République Démocratique du Congo: appel de Lausanne pour une Conférence Nationale Souveraine

 

 

 

Appel de Lausanne pour l’organisation d’une Conférence Nationale Souveraine en République Démocratique du Congo

 

Appel pour l’organisation d’une Conférence Nationale Souveraine en République Démocratique du Congo

 

L’espoir déçu

 

Après un long règne sans partage de 32 ans, Mobutu Sese Seko vieillissant et malade fut écarté de la tête de la République au profit de Laurent-Désiré Kabila. Saigné à blanc, le pays n’était plus qu’une coquille vide aux plans économique et social. Venue de l’Est et soutenue par les Anglo-Saxons, la rébellion s’avérera être en réalité une agression du Rwanda et de l’Ouganda et court-circuitera les institutions issues de la Conférence Nationale Souveraine, lesquelles institutions préparaient le pays à une démocratie pluraliste.

Les Congolais étaient partagés entre stupeur et espoir. La stupeur d’une partie de la population était de voir balayés tous les efforts consentis par une opposition et une société civile qui avaient travaillé durement pour arracher des droits que la dictature bien enracinée de Mobutu avait longtemps refusés au peuple congolais. Espoir et soulagement pour d’autres parce que malgré tout, le président Mobutu et son entourage proche s’étaient évertués depuis trop longtemps à faire obstruction aux institutions issues de la Conférence Nationale Souveraine et à les empêcher de fonctionner normalement. L’espoir fut donc de courte durée.

 

Un long tunnel

 

En août 1998, la lune de miel entre Laurent-Désiré Kabila et ses parrains africains et occidentaux avait pris l’eau. S’ouvrait alors pour le pays, une longue période d’instabilité généralisée suite à des attaques répétées des armées du Rwanda et de l’Ouganda, mais aussi des groupes qualifiés de rebelles fabriqués par les deux pays susmentionnés, pour se venger de la « trahison » de leur poulain.

En janvier 2001, le président Laurent-Désiré Kabila fut assassiné dans des conditions restées mystérieuses jusqu’à aujourd’hui. C’est dans ce contexte que Joseph Kabila est arrivé à la tête de la RDC, selon un procédé douteux et anti-démocratique dans un pays non-monarchique.

 

Un pays ingouvernable

 

Ingouvernable, avec l’aide des institutions internationales, le pays a tenté différentes formules, même les plus farfelues (1 président et 4 vice-présidents). Les élections de 2006 conféraient à Monsieur Joseph Kabila une légitimité contestée par la majorité des observateurs nationaux et internationaux face à Jean-Pierre Bemba. La paix, priorité des priorités, prônée par le gouvernement, n’est jamais revenue en RDC. Au contraire, un bilan négatif très lourd peut être constaté, puisqu’à ce jour, on dénombre plus de 6 millions de morts congolais, selon Human Rights Watch (HRW), plus de 2 millions de femmes violées déclarées et plus de 2 millions de déplacés, sans compter le pillage systématique des ressources minières du pays par des milices et des armées régulières du Rwanda, du Burundi et de l’Ouganda. L’Etat a failli dans bien d’autres domaines comme la santé, l’éducation, l’agriculture, le transport, l’économie, l’énergie, l’eau, etc. Excédé, le peuple allait sanctionner le pouvoir dans les urnes. C’est ainsi que les élections présidentielles de 2011 consacraient la victoire d’Etienne Tshisekedi. Mais contre toute attente, ne voulant pas quitter le pouvoir, Monsieur Joseph Kabila choisit de rester aux commandes du pays par défi. Depuis, la crise de légitimité issue de ces élections paralyse les institutions du pays faute de confiance entre le peuple et le pouvoir.

 

La violence politique comme mode de gouvernance en RDC

 

Comme dans toutes les situations historiques d’illégitimité, en RDC la violence politique est devenue le seul moyen sûr de se maintenir au pouvoir. Les opposants vivent dans l’angoisse d’être arrêtés et certains d’entre eux, enlevés nuitamment par des escadrons du pouvoir, disparaissent sans laisser de traces. On note plusieurs cas d’assassinat des acteurs de la société civile et des emprisonnements arbitraires pour délit d’opinion. Les manifestations publiques sont violemment réprimées. À cet égard, 421 corps ont été découverts dans un charnier à Maluku, en périphérie de Kinshasa. Tout porte à croire que ce sont des étudiants tués lors des manifestations publiques des 19, 20 et 21 janvier 2015 et enterrés à la hâte sans égard pour la dignité humaine. Cette culture de violence politique ne s’embarrasse pas de principes éthiques qui devraient animer tout détenteur de la puissance de l’Etat. C’est dans ce seul domaine que le pouvoir de Kinshasa se découvre une efficacité redoutable. Car, tous les indicateurs économiques et sociaux classent la RDC parmi les derniers au monde. Cela est d’autant plus choquant, quand on sait que le pays possède des ressources et donc des potentialités énormes qui feraient de lui un pays prospère et un partenaire intéressant pour beaucoup d’autres pays en Afrique et dans le monde.

 

Pour une voie de sortie de crise

 

Dans ce contexte, il nous apparaît que le pouvoir de Kinshasa a complètement perdu toute crédibilité et ne peut être l’organisateur des élections de 2016. Aussi, pour éviter plus de souffrances au peuple congolais qui a déjà marqué son net rejet de ce régime et ne se contentera plus de jouer que le rôle de voter mais pas celui d’élire ses dirigeants, il devient urgent de convoquer des assises sous la forme d’une Conférence Nationale Souveraine (CNS). Ces assises de tous les espoirs devront constituer une véritable chance, une catharsis pour le peuple congolais dont les souffrances remontent à plusieurs décennies. Le but d’une telle Conférence devra être à la hauteur du drame que vit le peuple congolais depuis trop longtemps. La CNS devra s’ouvrir sur des perspectives plus larges et plus lointaines que des échéances électoralistes politiciennes à court terme. Il s’agit de rassembler le peuple congolais autour de principaux sujets d’intérêt national afin de tracer clairement l’avenir de la nation.

 

La tenue d’élections pluralistes, libres, crédibles, démocratiques et transparentes est certes un objectif, mais elle doit être la résultante d’une meilleure gouvernance, apaisée, compétente, humaine et respectueuse des droits et des libertés du peuple congolais. L’histoire nous enseigne que les élections n’ont pas épargné au peuple congolais toutes sortes d’affres et de tragédies. La recherche de la stabilité, de la sécurité, de l’harmonie et de la concorde nationales doit primer dans un pays qui ne pratique pas la transparence, dévasté et lacéré comme la RD Congo.

Les conclusions de la CNS devront être opposables à tous sans exception et leur application sans faille devra être accompagnée par une autorité ad hoc de suivi indépendante, dotée de pouvoirs réels. Nous appelons toutes les forces de changement et toutes les personnes éprises de paix et de bonne volonté à se joindre au Collectif d’initiative pour ce noble objectif. C’est la voie qui, à nos yeux, est la mieux indiquée pour désincarcérer le peuple congolais de l’étau d’un pouvoir de terreur et abusif qui confisque son destin depuis plus de 14 ans.

 

Que ceux qui coupent les fleurs ne deviennent les maîtres du printemps

 

Pour paraphraser Pablo Neruda, en RDC, la Communauté internationale ne doit pas permettre que ceux qui s’acharnent à couper les fleurs deviennent les maîtres du printemps. Au XXIe siècle, il est inacceptable d’abandonner tout un peuple à la merci des caprices d’un homme voire des hommes en arme ou d’un régime. L’éveil des consciences est tel qu’aujourd’hui, même en Afrique, il n’y a plus un seul peuple qui se résignerait à subir la violence politique de manière durable, sans que cela ne provoque une confrontation aux conséquences incalculables et une violence encore plus fulgurante et plus incontrôlable. Car, comme l’a si bien dit John Fitzgerald Kennedy, à vouloir étouffer les révolutions pacifiques, on rend inévitables les révolutions violentes. L’heure est grave et l’urgence d’organiser une Conférence Nationale Souveraine s’impose pour sortir la République Démocratique du Congo de l’impasse.

 

Pour le Collectif d’initiative :

 

Roger Buangi PUATI, théologien et pasteur au sein l’Eglise Protestante du Canton de Vaud en Suisse, diplômé d’Etudes commerciales, spécialiste et conférencier sur l’histoire de la traite négrière, auteur de Christianisme et traite des Noirs (éditions Saint-Augustin, 2007), a enseigné à l’Ecole d’Etudes Sociales et Pédagogiques de Lausanne, professeur à l’Université Populaire Africaine de Genève et président de l’association « Congo Solidaire ».

 

Jeanne-Marie Sindani, Politologue et Economiste, Chercheure spécialisée en matière de relations internationales; engagée dans la défense des droits humains et protection de la femme Congolaise; membre élue du Comité Exécutif de la CSU-Fuerstenfeldbruck Chargée de l‘intégration des immigrés ; Vice-présidente de l’Union des Femmes (Frauen-Union) de la CSU Circonscription de Fuerstenfeldbruck en Bavière, Présidente de l’Union des Patriotes de la Diaspora Congolaise (UPDC e.V.), basée en RFA.

 

Docteur en Sciences Économiques et Sociales (mention : Science Politique) et diplômé en pédagogie appliquée, Fweley Diangitukwa a enseigné au département de Science Politique de l’Université de Genève, à l’Université Omar Bongo à Libreville au Gabon et à l’Université panafricaine à Yaoundé au Cameroun. Initiateur de Muanda Business School (MBS), il est l’auteur de nombreux ouvrages et de plusieurs articles publiés dans des revues scientifiques.