Nouveaux Mondes

Le CRES a éprouvé la nécessité de se doter d’une revue trimestrielle dont la vocation est de servir de point de rencontre à des sphères qui s’ignorent : celle de l’entreprise, celle de l’université et celle du journalisme. Celle des hommes de terrain et celle des analystes.

Nouveaux Mondes, reflet et synthèse de ces rencontres, a consacré les numéros déjà parus à la Russie, la Chine, l’Asie centrale, l’Afrique, le Caucase et à l’espace Mer baltique-Mer noire.

 
Revue trimestrielle / N°01 / Printemps 1993
Enjeux à l’Est
L’effondrement de l’URSS, la fragmentation de l’empire soviétique et l’unité allemande retrouvée ont mis à bas un ordre bipolaire pétrifié par l’équilibre de la terreur nucléaire. Dans ce premier numéro de Nouveaux Mondes, le CRES a choisi de placer quelques coups de projecteur sur ces mutations pour tenter de mieux comprendre ce qui se dessine pour l’avenir.
Jean Baechler, Michel Heller, Alain de Gaigneron de Marolles, Georges Nivat, Virgil Candea, Casian Craciun, André Wagner, Jean-Pierre Broclawski, Gérard Wild, Farman K. Salmanov; Interview: Jacques Attali, Marie-Hélène Bérard.

Revue trimestrielle / N°2 / Eté 1993
Chine, le grand réveil

La Chine s’est mis en marche. Sortie de sa torpeur, elle représente l’un des pôles essentiels de l’économie mondiale. Ses taux de croissance faramineux font rêver l’Occident. Nouveaux Mondes a choisi de se pencher sur ce phénomène chinois, de signaler quelques repaires, de risquer l’esquisse d’un provisoire bilan.

Guy Brossollet, Jean-Philippe Béja, Lucien Bianco, Françoise Lemoine, Yves Citoleux, Mark Elvin, Marie-Claire Bergère, Francesca Cini, Jean-Luc Domenach, Michel Heller.

Revue trimestrielle / N°03 / Automne 1993
Russie: retour d’Empire

L’effondrement de l’URSS provoqua un big bang d’où émergea une myriade de nouvelles républiques. Si les vieux pays de l’ex-glacis soviétique retrouvèrent leur identité nationale, si l’Allemagne de l’Est alla sans coup férir rejoindre l’ouest, les républiques de l’ancienne URSS furent rapidement la proie du doute. Les minorités qui s’étaient mis à bouillonner virent apparaître de plus en plus clairement les prémisses d’une reconquête russe. La Russie a repris sa marche vers l’est et le sud. Sur sa route, se retrouvent la Turquie et, dans une moindre mesure l’Iran. Une lutte d’influence feutrée s’est engagée.C’est sur ce formidable mouvement de recomposition que Nouveaux Mondes a choisi de braquer son projecteur. Michel Heller, Olivier Roy, Olivier Weber, Adriana Salvagni, Jean Baechler, Gérard Wild, Général Vladimir Tsarkov, Général German Titov, Jean-Pierre Broclawski, Richard Pipes, Yuri Levada, Anne Coldefy-Faucard, Fred Oldenburg, Françoise Kosinski; Interview: Sven O. Hegstad.

Revue trimestrielle / N°04 / Printemps 1994
Monde arabe : choc islamique / Asie Centrale : jeux d’échecs
Maghreb, Proche-Orient, Moyen-Orient, Asie centrale: d’Alger à Bakou en passant par le Caire, Téhéran et Kaboul se dessine un gigantesque arc de crise. Les peuples cherchent leur identité, les Etats leurs légitimités historiques, les nations leurs structures étatiques. Dans cette diversité politique, géographique, humaine, climatique, culturelle, l’Islam est le point commun, l’élément rassembleur. C’est pourquoi Nouveaux Mondes à choisi de mettre dans ce numéro des textes concernant à la fois le Maghreb, le Proche-Orient et l’Asie centrale. Ils n’ont d’autres prétentions que de donner un coup de projecteur sur une réalité complexe, mouvante, aux dimensions multiples. Jean Baechler, Dominque Chevallier, Anne de Tinguy, Mireille Duteil, Michel Heller, Dominique Lagarde, Général Jacques Laurent, Alexander Lesser, Marc Roche, Olivier Roy, Stéphane Dudoignon, Guy Brossollet, Deniz Akagül, Mohammad-Reza Djalili; Interview: Nicolas Sarkis.

Revue trimestrielle / N°05 / Eté 1994
La Chine entre deux siècles
La Chine demeure pour l’Occident un mystère insondable et fascinant. Où va réellement cet énorme pays qui, sortant de sa torpeur idéologique, a entrepris de s’insérer dans la modernité économique? Nouveaux Mondes va défricher quelques pistes et tenter de montrer comment s’opère le grand réveil chinois. Jean-Philippe Béja, Marie-Claire Bergère, Lucien Bianco, Guy Brossollet, Yves Chevrier, Gilbert Etienne, Michel Heller, Michel Jan, Barry Naughton, Richard Pomfret, Tim Trampedach, Kenneth Walker.

Revue trimestrielle / N°06 / été 1996
L’ Afrique au milieu du gué
Les grands indicateurs économiques et sociaux font de l’Afrique la lanterne rouge du Globe, elle voit constamment régresser sa part dans les échanges internationaux. Mais à long terme les perspectives sont moins pessimistes car l’Afrique possède des atouts.
Nouveaux Mondes en fait l’inventaire et tente d’imaginer des solutions pour l’avenir, conformes aux mentalités et aux cultures africaines. Georges Balandier, Michael Schatzberg, Herman Cohen, Gilbert Etienne, Antony Hopkins, Philippe Bourcier de Carbon, Bernard Joinet, Salfo-Albert Balima, Jacques Charmes, Ebere Onwudiwe, Alain Henry, Sue Peters, Fernando Cardoso, Willie Esterhuyse.

Revue trimestrielle / N°07 / printemps 1997
Russie, le gouvernement des provinces (sous la direction de Marie Mendras)

Le paradoxe de la Russie contemporaine est qu’au moment où elle gagne considérablement en homogénéité avec l’indépendance des anciennes républiques soviétiques, elle redécouvre brutalement sa diversité.

Cette diversité est une constante de l’histoire russe, comme le montre B. Mironov dans sa contribution à ce volume. Les bouleversements des dernières années ont simplement mis en lumière des réalités précédemment niées et accentué les disparités existantes.

La tête et le corps – le Centre et les régions – doivent aujourd’hui apprendre à fonctionner ensemble en l’absence du système hiérarchique étroit qui régulait les relations au temps de l’URSS
C’est autour de cette question que s’est organisée la recherche effectuée ici sous la direction de Marie Mendras (Fondation Nationale des Sciences Politiques). Plus que la Russie, ce sont les Russies et leur gouvernement que présentent les auteurs: Russies politiques (M. Mendras), économiques (J. Sapir), démographiques (A. Blum) et la Sibérie (J. Hughes); des Russies vivantes, en pleine évolution, avec trois études de terrain: Omsk (A. Le Huérou), la région de Sverdlovsk (G. Favarel-Garrigues) et le Tatarstan (J.-R. Raviot).

Loin de l’effervescence moscovite, les provinces russes ne somnolent pas. Elles recherchent au contraire, au jour le jour, sur le terrain, leurs propres solutions.

Revue trimestrielle / N°08 /été 1998
Caucase, Axes anciens Nouveaux enjeux (sous la direction de Frédérique Longuet-Marx)

Il est peu, aujourd’hui, de régions plus complexes que le Caucase. Aux spécificités géographiques et nationales, au poids d’un passé souvent tumultueux, viennent s’ajouter les mutations en cours : le passage d’une économie centralisée de type soviétique à une économie de marché; la transition d’un Etat dirigé par un parti unique et dont toutes les composantes étaient liées à Moscou, vers une Transcaucasie formée d’Etats indépendants (Arménie, Géorgie, Azerbaïdjan) qui tentent, avec difficulté, de se frayer un chemin vers la démocratie, tandis que le Caucase du Nord, intégré dans la Fédération de Russie, est en proie à des convulsions dont la plus violente aura été, ces dernières années, la guerre de Tchétchénie.Le « grand jeu pétrolier », pour reprendre l’expression d’Alain Giroux, traverse lui aussi tout ce numéro. Il ressort des différentes études que le facteur pétrolier a une valeur plus politique et diplomatique, qu’économique. Ce n’est pas là un des moindres paradoxes du Caucase d’aujourd’hui.

Bien des choses se jouent actuellement dans le Caucase et à l’entour. Les Caucasiens ont un objectif premier : désenclaver leur région, en faire véritablement, sur le terrain économique et politique, un pont entre l’Europe et l’Asie. Cela implique, d’abord, de résoudre les conflits en cours, souvent suscités, comme le montre Frédérique Jeanne-Besson, par une redécouverte identitaire tout fraîche.

Au terme de cette étude volontairement contrastée, parfois contradictoire (les approches et les points de vue pouvant fortement diverger selon les auteurs), il apparaît généralement que les arguments et les enjeux économiques prennent, dans le Caucase, le pas sur les considérations politiques. Les deux textes qui ferment ce numéro, signés de Pierre Thorez et de Dominique Pianelli, brossent le tableau paradoxal d’économies de survie et de projets de développement ambitieux.

Ainsi le Cauase présente-t-il aujourd’hui deux visages : celui, ingrat, de multiples conflits ethniques, de crise économique, d’effondrement, et celui, plus attrayant, d’une renaissance économique en germe, avec des avancées réelles, la recherche active de solutions nouvelles, et une perspective, certes encore floue, de stabilisation politique et militaire.

Jean Radvanyi, Alexandre Iskandarian, Karine Guevorguian, Semih Vaner, Claire Mouradian, Hratch Tchilingirian, Alain Giroux, Frédérique-Jeanne Besson, Alexis Koudriavtsev, Valeri Tichkov, Vladimir Semionov, Frédérique Longuet-Marx, Pierre Thorez, Dominique Pianelli.

Revue trimestrielle / N°09 /automnes 1999
Mer Baltique – Mer Noire (sous la direction de Jean-Charles Lallemand)

« Confins de l’Europe » dans le passé ou « marches de la Russie » plus récemment, l’espace mer Baltique – mer Noire poursuit ses mutations entamées depuis la chute du bloc communiste et de l’Union soviétique, à la fin des années 1980.

Sur cette zone, depuis près de dix ans, des Etats indépendants se construisent ou se reconstruisent. Pays baltes, Biélorussie, Pologne, Ukraine, Roumanie… tous « réinventent » des imaginaires nationaux, fondés tant sur la redécouverte de langues et de trames historiques profondes que sur l’instauration de nouvelles institutions politiques, économiques et culturelles.

Cependant, alors que les pays d’Europe orientale intègrent déjà les structures occidentales, à commencer par l’OTAN, les pays de l’espace mer Baltique – mer noire sont encore très souvent réduits à une « zone grise » entre les organisations occidentales élargies et la Russie.

L’expérience de ces dernières années, mise en lumière par les réactions des uns et des autres à la guerre du Kosovo et à l’intervention de l’Alliance atlantique, indique que ces « Confins de l’OTAN » ne se présentent pas d’une manière homogène. Chaque pays envisage son avenir selon un panel varié dont cette livraison de Nouveaux Mondes tente de faire l’état des lieux.
Bruno Drweski, Daniel Beauvois, Alena Lapatniova, Amandine Regamey, Virginie Symaniec, Alexandra Goujon, Yves Plasseraud, Iouri Chevtsov, Harri Kämäräinen, Irina Kobrinskaïa, Jean-Charles Lallemand, James Sherr, Ion Dinu, Gilles Lepesant, Eric Laurent, Mladina Molova-Galtier.

Revue trimestrielle / N°10
Guerres d’Afrique
Entre marasme économique et chaos politique, l’Afrique offre une image de dévastation et détient en outre actuellement le titre de « continent le plus en guerre ».Angola, Congo, Burundi, Rwanda, Soudan, Somalie, Liberia, Sierra Leone – l’Afrique brûle.
Pour sa dixième livraison, Nouveaux Mondes se penche sur les conflits africains, leur nature et leurs causes. Au fil des études minutieusement conduites par des anthropologues, sociologues, économistes, politologues, une typologie se met peu à peu en place, avec pour principaux paramètres : l’allocation des ressources minières, les tensions ethniques, les différences religieuses, les tracés territoriaux, la lutte pour la maîtrise des structures étatiques, le sous-développement économique, auxquels viennent s’ajouter le poids du passé pré-colonial et la persistance des héritages coloniaux. Sans oublier les événements du 11 septembre 2001 qui ont encore contribué à placer l’Afrique, notamment la Somalie, sur le devant de la scène internationale.
Les conflits représentent aujourd’hui une des composantes majeures de la vie en Afrique. On peut toutefois y voir les ultimes soubresauts d’une période désormais révolue, celle de la colonisation puis de la « guerre froide », et l’émergence d’un ordre politique plus conforme aux souhaits des Africains, même si celui-ci semble encore une vue de l’esprit à l’observateur contemporain José Mena Abrantes, Jean Baechler, Colette Braeckman, Doug Brooks, Christian Captier, Ken Menkhaus, Mohamed Mohamed-Abdi, Garth Shelton, Peter Skalnik.

Revue trimestrielle / N° 11 /- Automne 2002
Mondialisation et souveraineté
Peut-on imaginer une mondialisation sous le contrôle de ceux qui en sont les acteurs ? Il ne peut y avoir de réponse univoque à cette question. On peut prétendre en premier lieu que la mondialisation est une donnée de l’histoire en marche à laquelle on ne peut qu’essayer de s’adapter tant le mouvement est irrésistible et irréversible. Mais on comprend l’objection selon laquelle la mondialisation est le fruit de comportements concrets dont les acteurs pourraient éventuellement infléchir le cours, puisque après tout ils en sont les seuls responsables. On peut défendre une deuxième proposition qui ferait de la mondialisation un mouvement maîtrisable, dont les effets indésirables pourraient être évités au point qu’il serait possible de choisir entre différents types de mondialisation, et même éventuellement entre la continuation et l’arrêt du mouvement. Mais, qu’on le veuille ou non, il y a dans ce mouvement de l’histoire quelque chose d’incontrôlable parce qu’en fin de compte réellement désiré par personne en particulier.
La seule manière de concilier les deux points de vue serait la suivante : la mondialisation est inévitable, il est donc vain de la condamner ou d’essayer d’en infléchir le mouvement ; il est par contre indispensable de la comprendre pour en aménager les modalités au plus près des intérêts de ses acteurs. A ce stade de la réflexion, tout reste à dire puisque les intérêts en question peuvent être discutés à loisir. Mais le cadre de la discussion est au moins délimité. On peut par exemple avancer que l’intensification des interdépendances économiques et politiques fait que de moins en moins de problèmes peuvent trouver leur solution dans le cadre de décisions étatiques isolées. C’est la partie inévitable de la mondialisation. Les Etats restant néanmoins les acteurs principaux du système international, il faut donc trouver des solutions institutionnelles inédites qui peuvent prendre la forme de coopérations entre Etats ou d’institutions chargées par les Etats de gérer les affaires communes. C’est la partie contrôlable de la mondialisation.

« Nouveaux Mondes » a choisi de s’intéresser aux rapports entre mondialisation et souveraineté étatique pour illustrer ce point de vue. Etant donné ce qui précède, le postulat est que la souveraineté étatique n’est plus le cadre approprié à la gestion des affaires mondialisées, mais qu’il est important d’en étudier les aménagements imaginés pour répondre aux nouveaux défis.
Une approche du sujet pouvait être thématique, afin de balayer le champ d’émergence des nouvelles formes de coopération internationale, dans les domaines militaires, financiers, environnementaux, etc… Le risque était de passer à côté d’une dimension importante du problème qui découle de ce que les principaux acteurs de la mondialisation sont encore des Etats loin d’être égaux devant le phénomène. Une approche régionale s’imposait donc également. Le lecteur trouvera donc ici des arguments fondés sur les deux approches.

Jean Baechler démontre que la confusion des termes souveraineté, citoyenneté et territorialité dans le cadre de l’Etat-nation est un produit de l’histoire européenne qui n’a rien d’immuable, et qui devra sans doute évoluer pour répondre aux défis de la mondialisation. Les contributions suivantes illustrent le rôle respectif des grandes aires régionales : la difficulté pour l’Europe de se constituer en acteur influent de la mondialisation à force d’hésiter entre un modèle unitaire ou fédéral (Chantal Delsol) ; la tentation irrésistible de l’hégémonisme pour les Etats-Unis (Ezra Suleiman) ; l’instrumentalisation de la mondialisation par la Chine pour retrouver un rang de puissance dominante (Steve Tsang) ; la crainte de beaucoup de pays illustrée par l’Inde qui voit dans la mondialisation une nouvelle forme de colonialisme occidental (Radha Sinha) ; enfin le cas russe …..
Sont explorés par la suite quelques exemples d’innovations institutionnelles actuelles ou potentielles que la mondialisation rend indispensables, et qui permettent d’aménager le cadre de la souveraineté étatique pour gérer les problèmes communs : dans le domaine du droit commercial où émergent de nouvelles normes juridiques qui transcendent cette souveraineté (Laurent Gimalac) ; sur le plan linguistique où l’on peut imaginer qu’un langage commun permette un jour aux Européens de communiquer sur un pied d’égalité sans passer nécessairement par le biais de la langue d’un partenaire (André Cherpillod) ; dans la sphère financière où la mondialisation remet en question la pratique du secret bancaire (Sylvain Besson) ; dans les affaires environnementales dont l’ampleur oblige dès à présent à imaginer des dispositifs à l’échelle mondiale (Laurent Baechler).

Revue trimestrielle / N°12 / Printemps 2003
L’eau : enjeux et conflits

L’eau sera le grand problème du vingt et unième siècle. C’est du moins ce que nous prédisent les spécialistes de la question, relayés par les institutions internationales, les médias, et toutes les organisations non gouvernementales préoccupées par l’état de l’environnement planétaire. On va même jusqu’à prévoir des conflits armés provoqués par la rareté de l’eau. Le problème est simple : les ressources sont quantitativement circonscrites, pour ne pas dire fixées par les contraintes naturelles du cycle de l’eau ; avec une population mondiale qui devrait connaître un point culminant vers la moitié du siècle qui s’ouvre aux alentours de 10 milliards d’individus, la logique arithmétique malthusienne mène à des conclusions qui laissent peu d’espoir de voir la situation s’améliorer. Allons-nous vers une pénurie d’eau généralisée ? C’est ce vers quoi le monde semble s’acheminer lentement si rien n’est fait rapidement. Quelles solutions envisager ? Les propositions ne manquent pas pour sortir de l’impasse.

On peut préconiser l’abstinence généralisée pour sauver un bien commun de l’humanité. Mais qui ira expliquer aux populations en développement que leur heure est passée et qu’il s’agit de devenir raisonnable ? On peut limiter l’abstinence aux nantis. Outre le fait qu’on voit mal au nom de quel principe imposer une telle mesure, il est hors de question qu’elle permette de faire face aux difficultés tant la problématique de l’eau est essentiellement locale, et ne se laisse pas manipuler au bon gré de mouvements de solidarités. Le progrès technique comme sauveur de l’humanité et pourvoyeur d’eau en quantité suffisante pour tous ? A condition qu’il n’entretienne pas une course effrénée et irrationnelle à une consommation sans bornes. Faire payer l’eau comme n’importe quelle autre ressource rare ? C’est a priori la solution de bon sens, qui gagne d’ailleurs du terrain. Mais c’est oublier que le prix laisse se développer les externalités comme la pollution des eaux, et offre peu de place à la solidarité entre ceux pour qui l’accès à l’eau est une banalité quotidienne et ceux pour qui le « droit à l’eau » est encore un espoir. C’est également négliger le caractère politique des conflits de l’eau entre des nations souveraines qui doivent se partager une ressource transfrontalière, et entre lesquelles les tensions ne se résolvent pas par la négociation économique. Faire appel au droit international pour apaiser les tensions ? Bien évidemment, et c’est un domaine en progrès constant depuis deux décennies. Mais c’est faire peu de cas des autres sources de tensions internationales. C’est en particulier supposer que l’eau est effectivement une cause de conflit géopolitique, alors que l’on peut penser qu’elle est davantage un révélateur de tensions entre pays frontaliers qui n’ont pas encore pacifié leurs relations. Toute « solution » qui négligerait la complexité du problème de l’eau est finalement vouée à l’échec.

 » Nouveaux Mondes » offre ici un aperçu de cette complexité en abordant la question de l’eau sous les angles variés qu’elle donne à explorer. Pierre-Frédéric Ténière-Buchot brosse un tableau général des questions soulevées par la rareté croissante de l’eau, et laisse entrevoir que la problématique de l’eau entremêle écologie, économie, éthique et politique de manière étroite. Yves Lenoir lève le voile sur un problème rarement envisagé mais pourtant essentiel qui concerne l’interaction entre les perturbations anthropiques du cycle de l’eau et la raréfaction croissante de la ressource. Ivan Chéret souligne que la question de l’eau est avant tout un défi politique, et que relever le défi nécessitera un changement radical dans la gestion de cette ressource à part. Laurent Baechler explore les possibilités qu’offre l’utilisation du prix de l’eau comme instrument de gestion rationnelle de la ressource. Les articles suivants mettent l’accent sur des problématiques locales, plus pertinentes qu’une approche globale si l’on veut vraiment comprendre en quoi consiste le problème de l’eau qui, en définitive, est une sorte de réceptacle des questions de développement local, de tensions géopolitiques régionales, de transition vers l’économie de marché, … Mark Elvin décrit la trajectoire historique des rapports entre société et ressources en eau en Chine sur le très long terme. Olivier Petit illustre le problème de la gestion transfrontalière des eaux souterraines par les rapports qu’il entretient avec le conflit israélo-palestinien. Christelle Pezon nous plonge dans les méandres de la gestion de l’eau dans l’Ouest des Etats-Unis, pour faire comprendre la complexité d’un marché d’une ressource naturelle arrivé à un degré de maturité très avancé. Dominique Mangin d’Ouince nous explique à l’inverse que le marché de l’eau en Europe de l’Est et en Russie en est à ses balbutiements. Georges Matcheret nous propose l’exemple de ce qu’une grande entreprise de l’eau peut faire sur un marché en éclosion comme celui de la Russie.

Revue trimestrielle / N°13 / Automne 2003
La Suisse : est-elle toujours heureuse ?

La Suisse est mal connue, pour ne pas dire ignorée de ses voisins. La faute incombe probablement aux deux parties. À la Suisse elle-même qui cultive jalousement ses particularités depuis des siècles, abritée derrière sa neutralité et son système politique inédit. À ses voisins européens, qui n’ont jamais su voir dans le passé de la Suisse des enseignements décisifs pour leur projet d’unification politique, malgré des similitudes évidentes dans les parcours historiques respectifs.
La mondialisation et ses aspects proprement européens sont en train de modifier les rapports entre les deux parties. « Nouveaux Mondes » propose à la fois un bilan de ce qu’il est convenu d’appeler le « modèle » suisse, marqué par une crise économique, politique, et peut-être morale, et une mise en perspective de ce que pourraient devenir les relations entre Suisses et Européens, dont certains ont cru pouvoir dire que leur avenir passait par un croisement de leurs destins.

Revue trimestrielle / N°14 / Automne 2004
Les O.N.G. au coeur de la mondialisation ?
La Suisse est mal connue, pour ne pas dire ignorée de ses voisins. La faute incombe probablement aux deux parties. À la Suisse elle-même qui cultive jalousement ses particularités depuis des siècles, abritée derrière sa neutralité et son système politique inédit. À ses voisins européens, qui n’ont jamais su voir dans le passé de la Suisse des enseignements décisifs pour leur projet d’unification politique, malgré des similitudes évidentes dans les parcours historiques respectifs.
La mondialisation et ses aspects proprement européens sont en train de modifier les rapports entre les deux parties. « Nouveaux Mondes » propose à la fois un bilan de ce qu’il est convenu d’appeler le « modèle » suisse, marqué par une crise économique, politique, et peut-être morale, et une mise en perspective de ce que pourraient devenir les relations entre Suisses et Européens, dont certains ont cru pouvoir dire que leur avenir passait par un croisement de leurs destins.