Tour d’Horizon sur la Russie à ce jour

13 octobre 2014

Wladimir MATCHABELLI

 

  • Depuis 2004 - Directeur général de la société « Ruskon », Moscou

 

  • 1999 – 2003 - Consultant pour la Russie à Eurotradia International (Paris) et au Centre Recherche et Société (Genève)

Secrétaire général de la Société française des Amis de la Russie (SOFARUS)

 

  • 1995 -1999 –  Représentant de la Chambre de Commerce et d’Industrie de Paris à Moscou

Directeur du programme du Mastère franco-russe de management international (CCIP / Académie du                          Commerce extérieur de Russie – Faculté d’économie de l’Université d’État de Moscou)

           Directeur du Centre franco-russe d’enseignement supérieur des affaires à Moscou

 

  • 1991-1995 –  Directeur général du Centre Pouchkine (centre linguistique, économique et culturel Paris-Moscou)

 

 

  • 1982-1991 – Secrétaire général adjoint de l’Association France-URSS

 

 

  • 1984-1991 – Mission de mise en contact pour l’implantation en URSS de structures françaises (Alliance française, Chambre de commerce et d’industrie de Paris, Fédération internationale des professeurs de français)

 

 

 

 

 

Politique étrangère :

La crise actuelle entre Moscou et Bruxelles s’explique par un mélange de désaccords politiques et de dysfonctionnements institutionnels. Sa racine la plus profonde réside toutefois dans le retour des conflits de puissance entre Moscou et l’Occident, suscités par une Russie redevenue despotique et une Amérique résolument impériale. L’Union européenne n’a pu que constater son inadaptation foncière à un tel cas de figure et s’est engagée a suivre les positions de l’OTAN et de la Maison Blanche.

Le retour du conflit dans les relations entre les États-Unis, l’Union européenne et la Russie marque en quelque sorte la victoire de la permanence sur l’utopie. Rétrospectivement, le  » nouvel ordre mondial  » de l’après-guerre froide, aboutissement annoncé d’une nouvelle ère de collaboration entre un Occident magnanime et une Russie convertie à la démocratie, ressemble à un de ces  » gouvernements qui n’ont jamais existé  » raillés par Machiavel.

A l’inverse, les attitudes américaine, européenne et les réponses  de Vladimir Poutine témoignent de la permanence des rapports de force dans les relations entre les  principaux partenaires. La situation actuelle  constitue pourtant  une rechute pure et simple dans les errements du passé.

Pourtant l’armée russe ne menace plus l’Europe même si certains en font leur fond de commerce dans l’UE, les dirigeants russes ont renoncé à toute ambition révolutionnaire au profit d’objectifs plus prosaïques tels que l’argent et le pouvoir. Bien loin de vouloir détruire le mode de vie occidental, la Russie s’efforce d’en acquérir l’usufruit, non sans un certain succès.

Les crises récentes illustrent des divergences d’intérêts et de systèmes politiques magnifiées par des diplomaties défectueuses:

– brutale et manipulatrice dans le cas de la Russie,

–  autiste dans le cas des Etats-Unis,

– inflexible et impuissante dans le cas de l’Union européenne.

Les relations avec les Etats-Unis très mauvaises sont le point d’aboutissement de la confrontation née dans les années 90 et l’attitude affichée des Américains est de ne plus rien accorder aux Russes. Il faut s’attendre a ce que les sanctions prises par ces derniers  le soient encore pour longtemps bien après que l’Union européenne les aura annulées.

Cependant la diplomatie américaine très pragmatique mene une politique de grande puissance responsable et reste attachée au dialogue americano-russe pour le règlement des problèmes du Moyen-Orient en particulier.

La Russie profite et bénéficie dès à présent de l’ambiguïté occidentale vis-à-vis de Bachar al-Assad. Pour l’instant la politique des USA et de l’UE  face à la Syrie n’est pas très cohérente et le temps et les événements auront donné raison à la Russie dans les dossiers syrien et iranien.

La Russie pourrait créer une seconde coalition avec l’Iran, peut-être avec Israël, et pourquoi pas avec la Chine et les autres pays des Brics. Actuellement, nous sommes dans le cas concret d’une recomposition géopolitique et idéologique qui est le signe d’une contestation de la domination occidentale sur le monde. C’est une remise en cause des rapports de force et d’un modèle de société occidental que la Russie a initié et dont elle tient le leadership.

Dans ce contexte politique sensible, nous n’entendons pas que la Russie transmet un message qui renvoie à des questions fondamentales de construction d’un modèle de société. Actuellement, elle montre qu’elle n’a jamais changé de cap et reste cohérente dans sa politique internationale, ce qui n’est pas le cas de l’Occident.

Malgré tout, en ce qui concerne la lutte contre le radicalisme de l’Islam, les pays occidentaux pourrait regarder du côté de la Russie et essayer de comprendre comment l’Islam vit dans la Fédération, comment cohabitent les peuples orthodoxes et musulmans, et intégrer que la Russie est un pays multiethnique, multiconfessionnel et que cela se passe bien. La lutte contre le radicalisme musulman y est engagée depuis longtemps avec une grande cohérence.

La principale pomme de discorde concerne le statut juridique et politique des territoires issus de l’ex-Yougoslavie et de l’ancienne Union soviétique, plus spécifiquement le Kosovo, les  » conflits gelés  » de Transnistrie, d’Abkhazie, d’Ossétie du Sud et du Nagorny-Karabakh. Les dirigeants russes n’ont jamais fait mystère de leur intention de retrouver un rôle dominant dans l’ancienne Union soviétique. Cette détermination de la Russie à conserver un glacis de sécurité à ses propres frontières se traduit par l’ambition d’installer des régimes clients chez ses voisins immédiats . Lorsque cette ambition est frustrée, la Russie n’hésite pas à user de sa capacité à déstabiliser ou  » punir  » les récalcitrants. Ce comportement, récemment appliqué à des États membres de l’Union européenne comme la Pologne ou l’Estonie, concerne essentiellement la Géorgie et l’Ukraine, mais les manifestations d’indépendance n’ont pas été mieux tolérées de la part de régimes théoriquement amis, comme la Biélorussie ou l’Azerbaïdjan ainsi que le Kazakhstan. Ce refus de la Russie de voir s’installer des puissances stables et indépendantes à ses frontières ne semble pas devoir disparaître.

La crise ukrainienne est une crise très grave entre la Russie et les Occidentaux, mais ce n’est pas la crise la plus grave à laquelle les Etats-Unis et l’Union européenne ont été confrontés depuis la chute du mur de Berlin. On peut dire que de la guerre du Golfe en 1990 à celle d’Irak en 2003, des guerres balkaniques dans les années 1990 à la crise iranienne, il y a eu de nombreuses autres crises mondiales comme celle du mois d’août 2008 au cours duquel un affrontement armé  avait opposé la Russie et la Géorgie.

Mais c’est certainement un point très marquant dans les tensions entre la Russie et les Occidentaux, et surtout c’est la plus forte démonstration de force de la Russie à leur égard. Pour Vladimir Poutine «  la Russie se doit d’etre respectée, quitte à ce qu’elle soit crainte et non aimée ».

 Russie UE

L’Accord de Partenariat et de Coopération entre l’Union européenne et la Russie dénoncé depuis, a illustré la force de l’illusion démocratique chez les dirigeants européens. Conclu en 1994 au moment où la Russie était à la fois la plus faible et la plus désireuse de s’attacher à l’Occident, il était le reflet presque exclusif de préoccupations et de conceptions caractérisant la politique extérieure de l’Union européenne.

En réalité, cet Accord définissait l’objectif et les modalités d’ensemble de la politique de l’Union vis-à-vis de la Russie. Silencieux sur les questions militaires et stratégiques, qui constituent la préoccupation essentielle des dirigeants russes, l’Accord affirmait, en revanche, que  » les libertés politiques et économiques constituent la base même du Partenariat « , un des ses objectifs étant  » la consolidation de la démocratie en Russie « .

Les dirigeants européens souhaitent voir la Russie se libéraliser. En en faisant l’objectif essentiel de leur politique et un quasi préalable à leur volonté de coopération stratégique avec Moscou, cette attitude a mené à l’échec. L’évolution contraire de la Russie fut alors interprétée comme le signe de la faillite de la politique européenne, ce qui a eu pour effet de paralyser les décideurs européens et de jeter une ombre sur les autres domaines de la coopération russo-européenne. Par ailleurs, cet objectif, défini sans accord préalable des dirigeants russes, est incompatible avec la vision européenne de la Russie, dont les buts, constamment réaffirmés depuis 1999, sont la défense de sa souveraineté interne et externe (c’est-à-dire le refus de toute ingérence étrangère dans ses affaires intérieures), la promotion de ses intérêts nationaux, la reconquête de sa puissance économique et de son influence extérieure (en particulier vis-à-vis des pays de la CEI) et la  » création d’un système paneuropéen de sécurité collective  » fondé sur l’égalité des Etats . Autrement dit, la Russie a des objectifs traditionnels de puissance et définit sa politique européenne en fonction de ces objectifs. Dans ces conditions, la paix démocratique espérée par l’Union européenne ressemble à une chimère.

Les divergences de philosophie entre l’Union européenne et la Russie ne furent pas le seul obstacle au bon déroulement de la coopération russo-européenne. Cette coopération se heurta, en outre, à de nombreux obstacles de nature institutionnelle.

Depuis 2005, la coopération entre la Russie et l’Union européenne était définie par 4  » Espaces communs « : un espace pour l’intégration économique, l’espace de coopération en matière de libertés, de sécurité et de justice, un espace de coopération en matière de sécurité extérieure et un espace pour la Recherche, l’Education et la Culture .

Un dialogue aussi institutionnalisé ne peut être mené à bien que par un personnel spécialisé compétent. Or, la Russie ne possède pas ce personnel.

Ces déficiences structurelles ont eu deux conséquences. Le gouvernement russe n’a jamais été  en mesure de proposer des initiatives à ses partenaires européens, se contentant de réagir aux propositions émanant de Bruxelles – ce qui entretint le ressentiment envers les diktats bruxellois. Par ailleurs, de nombreux problèmes n’ayant pu être résolus au niveau des experts devaient remonter au niveau des chefs d’Etat et de gouvernement où ils étaient de plus en plus éclipsés par les désaccords stratégiques. La coopération se trouva alors immobilisée, même sur les sujets en apparence les plus neutres et les moins conflictuels.

Le plus grand obstacle à l’effectivité de la politique étrangère de l’Union reste évidemment le fait que l’UE n’est pas un Etat, mais une organisation de 28 Etats, dont chacun conserve l’essentiel de ses prérogatives en matière d’action extérieure. Cela signifie que les désaccords réellement fondamentaux qui séparent actuellement la Russie de ses partenaires européens ne pourront être résolus, non par les institutions européennes, mais par les Etats membres de l’UE. Or ces derniers  sont, pour l’heure,  globalement incapables de parler d’une seule voix face à la Russie et d’entamer avec elle des négociations de nature géopolitique, pour deux raisons essentielles: les différences dans leurs positions vis-à-vis de Moscou et l’acceptation, par la plupart d’entre eux, de la suprématie de la politique américaine en Europe.

Les visions parfois antagonistes de la Russie qu’entretiennent les Etats membres s’expliquent aussi.

Les anciennes Républiques soviétiques, les gouvernements centre-européens continuent naturellement de considérer la Russie comme une ennemie irréductible et poussent à l’extension du glacis territorial bâti contre elle

L’Union européenne constitue désormais pour la Russie une menace géopolitique essentielle en raison de l’attraction qu’elle exerce sur des pays comme l’Ukraine

Les dirigeants européens ne peuvent aborder avec leurs homologues russes la question de l’équilibre de la puissance et de la répartition des zones d’influence Angela Merkel qui a été a la pointe des décisions prises pour les sanctions a l’égard de la Russie et alors qu’une relation privilégiée existait auparavant entre elle et les dirigeants russes , il n’en n’est plus de même aujourd’hui où la relation est complètement détériorée

Politique intérieure :

Quelles qu’aient pu être les intentions initiales de Vladimir Poutine, les deux tendances essentielles de sa présidence sont claires.

Ces deux tendances, d’ailleurs complémentaires, auront été la recentralisation du pouvoir à l’intérieur, au profit de l’exécutif et plus spécifiquement de la présidence, et une volonté de retour de la puissance vis-à-vis de l’extérieur. De même qu’il aura cherché à coopter, marginaliser ou détruire les groupes ou individus qui, en Russie même, auraient pu contester son pouvoir, de même le président russe s’ efforce de restaurer ou d’accroître la puissance de son pays à l’extérieur, en cooptant ou en affaiblissant ses voisins immédiats et en remobilisant les ressources russes afin de maximiser sa position vis-à-vis de ses principaux interlocuteurs étrangers .

En théorie, cet objectif était pleinement compatible à la fois avec une volonté de modernisation économique à l’intérieur et de souplesse diplomatique à l’extérieur: l’Etat russe ne peut en effet espérer asseoir sa puissance qu’à condition de disposer d’une base économique saine et de n’être pas isolé sur la scène internationale. Vladimir Poutine a du reste toujours eu conscience de cette double obligation, mais sa pratique du pouvoir aura constitué au bout du compte l’obstacle le plus sérieux à la réalisation de ces objectifs.

Outre la remise en cause des libertés publiques et le dépérissement des organes de régulation, notamment judiciaires, et des administrations intermédiaires (y compris, dans bien des cas, la fonction publique gouvernementale), l’hypertrophie de l’institution présidentielle et la disparition de tout mécanisme de surveillance auront eu deux conséquences.

Sur le plan économique, les réformes éclairées du début  et les mesures de libéralisation ont progressivement laissé la place aux tentations prédatrices de certains membres de l’entourage du Président et à la volonté de mettre les ressources énergétiques du pays au service d’une stratégie de reconquête sur le plan international.

Le résultat est qu’en dépit d’une politique macroéconomique globalement sage et modérée, est aujourd’hui mise a mal par les sanctions prises.

Cette évolution trouve son pendant sur le plan diplomatique, où la volonté initiale du président Poutine d’approfondir son entente avec les grandes puissances occidentales aura finalement été réduite a au minimum et aura largement souffert de la crise ukrainienne qui aura provoque les sentiments de méfiance des dirigeants occidentaux, aggravés par  le déploiement d’une rhétorique nationaliste à usage interne.

Certes,Vladimir Poutine s’était employé à véhiculer une image de modernisation et d’ouverture de son pays, désormais inscrit dans la mondialisation.

Cette image a été complément détruite par la crise. Désormais il lui reste l’evolution récente  de la coopération avec les BRIC (Brésil,Russie, Inde, Chine) afin de compenser les pertes des sanctions et présenter la Russie comme une puissance de demain. Avec un  potentiel économique de ces nouveaux centres de la croissance mondiale qui se traduira en « influence politique ».

Reste que l’on constate a Moscou, a une érosion du pouvoir d’achat, a une rarefication de la clientèle dans les restaurants, a une baisse du chiffre d’affaires des vendeurs d’automobiles et enfin a une angoisse des représentants de la communauté d’affaires internationale qui pour certains plient bagages. Enfin un rouble qui a perdu 20% de sa valeur en quelques semaines, une inflation grandissante et une croissance revissée a la baisse de 1 %, sont les signes d’une inquiétude grandissante  de la classe moyenne qui représente 60% de la population.

La logique de l’hyper-puissance

Une Russie encore largement imprégnée de la mentalité messianique russe traditionnelle et soviétique  constitue en toute hypothèse un partenaire difficile pour l’Occident. La politique du gouvernement américain, à partir du milieu des années 90, semble avoir été faite d’un mélange de triomphalisme (la fin de la guerre froide étant interprétée à Washington comme une victoire de l’Amérique, plutôt que comme l’aboutissement d’un long processus de négociation et le résultat de concessions librement consenties par Moscou) et d’irénisme démocratique (la conviction apparente des dirigeants américains étant que la démocratisation de la Russie était désormais irréversible et que cette transformation suffirait à abolir les désaccords entre la Russie et l’Occident). Elle a en tout cas conduit les Etats-Unis à délibérément marginaliser la Russie d’une double manière.

D’une part, alors que les dirigeants russes avaient proposé une nouvelle architecture de sécurité européenne pour l’après-guerre froide, regroupant l’OTAN et le Pacte de Varsovie en une nouvelle organisation paneuropéenne, les dirigeants américains ont préféré élargir l’OTAN jusqu’aux frontières de la Russie tout en refusant l’adhésion de celle-ci, ignorant ainsi les objections souvent légitimes des dirigeants russes  et rejetant ces derniers hors de tout processus de décision relatif à la sécurité du Continent européen . C’est ainsi que la guerre contre la Serbie en 1999 aura été décidée en dehors de tout accord préalable avec la Russie, alors même que  les liens privilégiés entre Moscou et Belgrade étaient connus.

D’autre part, l’encouragement prudent à la transition en Russie s’est transformé à la fois en un soutien sans restriction accordé à la personne de Boris Eltsine et à la mise en place d’une  » thérapie de choc  » censée accélérer le basculement de la Russie vers le capitalisme. Cette politique, largement influencée par les conseillers américains dépêchés auprès du président Eltsine, s’est avérée catastrophique, tant pour l’Etat  que pour les citoyens russes. Un rapport du Congrès  devait reconnaître en 2000 que  » la qualité des conseils économiques offerts à la Russie a été si mauvaise et leurs résultats si catastrophiques que 81% des Russes pensent qu’il s’agissait d’une stratégie délibérée pour faire de la Russie une puissance de second ordre  » .

La politique américaine vis-à-vis de la Russie demeure pourtant largement inchangée : des reproches publics sont adressés à la Russie pour son refus de se conformer au modèle américain ; des initiatives aussi lourdes que l’installation d’un bouclier antimissile aux frontières même de la Russie  sont prises sans concertation préalable. Les discussions n’ont réellement débuté qu’après la formulation par Vladimir Poutine de menaces de représailles explicites. Le message ainsi envoyé est dévastateur: les Etats-Unis n’acceptent de discuter sérieusement qu’avec ceux qui les menacent et dont ils ne peuvent réduire la dissidence. C’est le prix à payer pour avoir refusé, lorsqu’il en était encore temps, d’établir avec la Russie un véritable dialogue institutionnel sur les questions de sécurité, notamment en Europe.

Le résultat est que la Russie ne fait plus partie du système occidental : son assentiment doit désormais être négocié au cas par cas et parfois au prix de concessions substantielles .

Le sentiment de guerre froide prédomine même si les bases  d’un conflit ne sont plus les mêmes qu’il y a quarante ans. Nous sommes dans une économie de marche aujourd’hui , l’économie russe s’est modernisée ce qui rend les sanctions contre-productives et  ce qui crée un climat irrationnel.

On constate un flottement de la stratégie russe qui il est vrai a été prise de court avec la crise ukrainienne, et accolée au mur, Vladimir Poutine a du faire face aux arrogances européennes et américaines

On a quelques difficultés à percevoir la stratégie russe et en particulier l’agenda.

Par ailleurs l’effet Crimée qui encore apporte un soutien très fort aux décisions de Poutine  commence à s’effriter auprès de la population russe qui s’inquiète de l’avenir.

Certes la question de l’image détériorée de la Russie dans le monde occidental importe peu pour l’ensemble des Russes.

Les Russes, d’après les réponses publiées dans un  sondage récent, sont convaincus que les étrangers considèrent la Russie comme « indépendante, riche et spirituelle », un « pays extraordinaire » et très puissant.
Les personnes interrogées estiment également que ce sont les valeurs spirituelles du pays qui priment aux yeux des étrangers.

Peu de Russes imaginent donc que les étrangers perçoivent de façon négative la Russie. Ainsi, l’affirmation selon laquelle leur pays est considéré à l’étranger comme « autoritaire » et « dur » n’a recueilli qu’un très faible pourcentage.

«les Russes, eux-mêmes, pensent de leur propre image.veulent voir leur pays de cette façon, et pensent que les gens en Russie sont intéressants et sympathiques, et ils ne veulent pas accepter qu’à l’étranger, ils soient considérés autrement.« 

 «Les gens semblent se regarder dans un miroir déformant et ne se considèrent pas comme ils sont vraiment »,  « Les citoyens russes ne sont absolument pas préparés à la réalité, à la façon dont ils sont perçus à l’étranger. »

Les Russes ne sont pas prêts à prendre une part de responsabilité dans la crise ukrainienne et dans le rattachement de la Crimée. Pour eux, « l’agressivité vient de l’Occident (« la Crimée est à nous ») et les sanctions que l’Occident prend contre la Russie ne font que renforcer leur opinion qu’il y a un « mauvais » Ouest et une « bonne » Russie. »

Position française

Le problème est l’influence de  certains intellectuels français du Club de l’Oratoire qui rassemblent des proches des néoconservateurs américains qu’ils ont de la Russie et de ses dirigeants et  des autorités françaises qui semblent être  à la remorque  de la position américaine.  Nicolas Sarkozy fut le premier  en prenant la décision pour la France de réintégrer le commandement de l’Otan et son successeur François Hollande  ont  adopté une attitude très fermée à l’égard de la Russie.

En son temps, on disait que le système communiste en URSS était le point d’achoppement des relations internationales or depuis sa disparition nous sommes revenus au même niveau relationnel alors de le système totalitaire soviétique a disparu.  Il faut constater que l’espoir existait pour un avènement d’un système de vie meilleure et de liberté qui aujourd’hui  a disparu et que nous n’avons aucune idée sur un changement possible.

Le bilan de de cette situation est encore à venir mais on sent bien que les pages de notre histoire commune entre Français et Russes semblent oubliées.  A Moscou, les Français ne sont plus considérés comme des allies mais à la traîne des Américains de de l’OTAN en particulier. Autre conséquence interne en Russie la méfiance ressentit par les Russes est qu’il vaut mieux ne pas coopérer avec l’etranger et c’est la voie ouverte vers l’isolationnisme qui est une attitude récurrente en Russie.

En Europe nous sommes persuadés que la Russie cherche à satisfaire une soif impériale et que la Russie réagit par instinct telle une bête sauvage, dangereuse et imprévisible.  Or dire que nous nous trompons est chose difficile à accepter. Seuls certains intellectuels ont droit de citer et de se répandre partout pour rajouter à la peur en considérant la Russie fautive pour tout..

Les soviétiques à leur époque ont cru benoîtement qu’en Occident , tout était beau et réglé, ces dernière décennie les Russes ont découvert que la vie occidentale pouvait être dure, inégale et désespérante et que notre société n’était pas paradisiaque.

La génération russe qui est a des postes de direction  aujourd’hui,  a aimé les États-Unis  surtout dans les années 90 lorsque les étudiants russes en âge de voter mettaient leur bulletin de vote Yabloko dans l’urne. Il leur fallait partir à l’assaut de ce monde occidental dont leurs parents avaient rêvé.  Puis ce fut le choc du Kosovo, de la guerre en Irak, des promesses américaines non-tenues. Les illusions  se sont envolées.

La France qui était appréciée pour son indépendance a perdu cette place particulière. Le président Hollande recueille en Russie autant d’appréciations positives  pour sa politique à l’égard de la Russie que de pourcentage  dans les sondages réalises en France. La déception des Russes épris de la France est profonde et les conséquences seront importantes tant aux plans économique, culturel,social et politique.

Aujourd’hui les Russes ont peur, peur de la perte des valeurs, peur de ne pas accéder a une civilisation de liberté et de progrès, peur enfin  d’une guerre mondiale qui viendrait tout anéantir.

Renouer le dialogue

Cette double crise illustre en fait la nécessité de repenser en profondeur les relations entre la Russie et l’Occident. Pour l’instant, chacun paraît camper sur ses positions : les dirigeants américains refusent de compromettre si peu que ce soit leur entière liberté de manœuvre; les nouveaux Etats membres de l’Union européenne rejettent dans l’ensemble toute perspective de coopération authentique avec Moscou; et celle-ci conserve un comportement quasi-colonial vis-à-vis de ses anciennes dépendances et un néo conservatisme est de mise à Moscou.
Les éléments de ce nouveau dialogue pourraient être les suivants:

– Renouveler le cadre institutionnel du dialogue entre la Russie, l’Europe et les Etats-Unis. La dispersion actuelle des forums de discussion russo-européens (rencontres bilatérales ou trilatérales, sommets UE-Russie) et la quasi-absence de concertation entre Européens et Américains nuit à la cohésion de l’Occident et à la stabilité des relations russo-occidentales et européennes. La solution passe sans doute par le rétablissement d’une forme de concert des puissances, associant les Etats-Unis, la Russie et, à tout le moins, les principaux Etats européens, accompagnés du Haut-Représentant pour la Politique Étrangère et de Sécurité Commune de l’Union européenne.

– Séparer les problèmes. Les principaux thèmes de l’agenda russo-occidental comprennent des aires de coopération consensuelles, des désaccords ponctuels mais surmontables et des divergences plus profondes. Le risque essentiel, apparu ces dernières années, est une remise en cause progressive des aires de coopération initiales sous l’impact de ces divergences de fond. Il importe, en revanche, d’isoler ces dernières, de manière à ce qu’elles ne puissent contaminer et remettre en cause les réussites de la coopération entre la Russie et l’Union européenne.